Un ami m'a récemment demandé ce que je pensais - en tant que juriste- de la présomption d'innocence. Hé bien, voici ma réponse en tant que juriste, en tant que militant, et en tant qu'homme pour tout dire....
Il est admis en France que la présomption d’innocence peut être rattachée à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDH) en date du 26 août 1789. Celle–ci énonce en son Art. 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable…. »
L’on n’oubliera pas que la DDH s’applique actuellement en France avec la même valeur que le texte de la Constitution , et ce, quelque soit son ancienneté, par application conjointe du préambule de la Constitution du27 octobre 1946 et d’une décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971
Au plan international la présomption d'innocence, telle qu'entendue actuellement dans la plupart des pays d'Europe, se fonde sur l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 de l'ONU qui la formule de la façon suivante :
« Art. 11. Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
On la retrouve aussi dans La convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, dont article 6 réaffirme avec force, et cette fois au niveau européen le principe:
« Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie »
Les proclamations concordantes de ce principe entraînent trois conséquences :
-Tant qu'une personne n'a pas été condamnée définitivement par une juridiction, elle doit être considérée comme innocente.
-Une personne ne peut être condamnée définitivement, et par là même considérée comme coupable tant que toutes les voies de recours(appel, cassation…) n’ont pas été épuisées.
C’est à l'accusation de rapporter la preuve de la culpabilité du prévenu, et non l'inverse. La personne poursuivie n'a pas à démontrer son innocence, puisque, à moins de rapporter la preuve contraire, elle l’est.
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Bien entendu, l’encre de la DDH n’était pas encore sèche que tous les beaux principes de la Déclaration des Droits de l’Homme y compris, biensur , la présomption d’innocence, formulés en 1789 furent foulés au pied par les conventionnels lors de la Terreur qui suivit et ce notamment, mais naturellement mais pas seulement, du 10 août 1792 au 20 septembre et de 31 mai 1793 au 30 juillet 1794.
La loi des suspects du 17 septembre 1793 par l’emploi du terme précisément de « suspect » est ainsi un bon exemple de que que « le pays des Droits de l’homme » (Sic) a cru pouvoir faire en pensant que cela s’oublierait . Le 19 Octobre 1793, le conventionnel Merlin dit de Thionville n’écrivait-il pas au Comité de Salut Public. « Les Brigands n’ont pas le temps d’écrire ou de faire des journaux. Cela s’oubliera comme tant d’autres choses… »
http://www.royet.org/nea1789-1794/notes/acteurs/bonchamps.htm
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Pour autant, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain et considérer par exemple que la présomption d’innocence serait aujourd’hui sans utilité ou, pire, proposer qu’elle soit remplacée par le principe contraire qui serait celui de la présomption de culpabilité.
Dans ce nouveau système, où l’individu serait présumé coupable, ce serait à lui de démontrer qu’il n’a rien fait de répréhensible, tout serait à craindre et ce serait littéralement sans défense que l’individu serait « jeté aux chiens » comme a pu dire l’autre.
Notons d’ailleurs malheureusement que c’est majoritairement ce qui se passe actuellement lorsqu’une personne – et très souvent un puissant – est suspecté d’avoir commis un délit ou un crime.
Nous ne pouvons naturellement pas nous contenter de cette constatation et ce sera assurément nous défendre nous même mais, ne dit –on pas que Charité bien ordonnée commence par soit même – que de promouvoir bec et ongles la présomption d’innocence.
Alain TEXIER