S‘agissant de l’exposé des atrocités qui vont suivre il ne nous a pas échappé que l’Ancien Régime en a malheureusement commis lui même un certain nombre. De la même façon, nous savons bien que les révolutions ne se font pas sans casser des oeufs encore que la recette expérimentée pendant la Terreur ait été particulièrement riche en ingrédients.
Mais ce qui fait la saveur particulière des lignes qui vont suivre ; si l’on ose ainsi s’exprimer, c’est la double constatation que voici.
- L’Ancien Régime n’a jamais prétendu donner des « leçons de droit de l’homme » au monde, le nouveau régime républicain né dans des circonstances si dramatiques, lui si ... ce qui devrait faire peser sur lui des exigences toutes particulières, exigences dont on fait bon marché quant on tente de s’en sortir par la pirouette selon laquelle les révolutions ne se font pas sans casser des oeufs
- C’est en effet le propre des révolutions que d’être sanglantes mais nous connaissons des pays qui, sans envisager de remettre en œuvre l’ordre ancien, ont néanmoins publiquement demandé pardon pour les atrocités dont des personnes , dont ils descendent en droite ligne politiquement parlant, se sont rendues coupables. Sur ce plan-là, l’exemple de la Russie est fort éclairant . Or en France que voyons nous s’agissant plus particulièrement s’agissant de la repentance relative au populicide commis en Vendée 300 à 350 OOO morts lors des années 1793-94 ? Rien … !
Origine.
II. Le discours d'Alexandre
Soljenitsyne aux Lucs-sur-Boulogne le 25 septembre 1993.
Texte intégral du discours prononcé pour l'inaugration du Mémorial de Vendée .
« M. le président du Conseil général de la Vendée, chers Vendéens,
Il y a deux tiers de siècle, l'enfant que j’étais lisait déjà avec admiration dans les livres les récits évoquant le soulèvement de la Vendée, si courageux, si désespéré. Mais jamais je n'aurais pu imaginer, fût-ce en rêve, que, sur mes vieux jours, j'aurais l'honneur inaugurer le monument en l'honneur des héros des victimes de ce soulèvement.
Vingt décennies se sont écoulées depuis : des décennies diverses selon les divers pays. Et non seulement en France, mais aussi ailleurs, le soulèvement vendéen et sa répression sanglante ont reçu des éclairages constamment renouvelés. Car les événements historiques ne sont jamais compris pleinement dans l'incandescence des passions qui les accompagnent, mais à bonne distance, une fois refroidis par le temps.
Longtemps, on a refusé d'entendre et d'accepter ce qui avait été crié par la bouche de ceux qui périssaient, de ceux que l'on brûlait vifs, des paysans d'une contrée laborieuse pour lesquels la Révolution semblait avoir été faite et que cette même révolution opprima et humilia jusqu'à la dernière extrêmité.
Eh bien oui, ces paysans se révoltèrent contre la Révolution. C’est que toute révolution déchaîne chez les hommes, les instincts de la plus élémentaire barbarie, les forces opaques de l'envie, de la rapacité et de la haine, cela, les contemporains l'avaient trop bien perçu. Ils payèrent un lourd tribut à la psychose générale lorsque fait de se comporter en homme politiquement modéré - ou même seulement de le paraître - passait déjà pour un crime.
C'est le XXe siècle qui a considérablement terni, aux yeux de l'humanité, l'auréole romantique qui entourait la révolution au XVIIIe. De demi¬-siècles en siècles, les hommes ont fini par se convaincre, à partir de leur propre malheur, de que les révolutions détruisent le caractère organique de la société, qu'elles ruinent le cours naturel de la vie, qu'elles annihilent les meilleurs éléments de la population, en donnant libre champ aux pires. Aucune révolution ne peut enrichir un pays, tout juste quelques débrouillards sans scrupules sont causes de mort innombrables, d'une paupérisation étendue et, dans les cas les plus graves, d'une dégradation durable de la population.
Le mot révolution lui-même, du latin revolvere, signifie rouler en arrière, revenir, éprouver à nouveau, rallumer. Dans le meilleur des cas, mettre sens dessus dessous. Bref, une kyrielle de significations peu enviables. De nos jours, si de par le monde on accole au mot révolution l'épithète de «grande», on ne le fait plus qu'avec circonspection et, bien souvent, avec beaucoup d'amertume.
Désormais, nous comprenons toujours mieux que l'effet social que nous désirons si ardemment peut être obtenu par le biais d'un développement évolutif normal, avec infiniment moins de pertes, sans sauvagerie généralisée. II faut savoir améliorer avec patience ce que nous offre chaque aujourd'hui. II serait bien vain d'espérer que la révolution puisse régénérer la nature humaine. C'est ce que votre révolution, et plus particulièrement la nôtre, la révolution russe, avaient tellement espéré.
La Révolution française s'est déroulée au nom d'un slogan intrinsèquement contradictoire et irréalisable : liberté, égalité, fraternité. Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s'exclure mutuellement, sont antagoniques l'une de l'autre! La liberté détruit l'égalité sociale - c'est même là un des rôles de la liberté -, tandis que l'égalité restreint la liberté, car, autrement, on ne saurait y atteindre. Quant à la fraternité, elle n'est pas de leur famille. Ce n'est qu'un aventureux ajout au slogan et ce ne sont pas des dispositions sociales qui peuvent faire la véritable fraternité. Elle est d'ordre spirituel.
Au surplus, à ce slogan ternaire, on ajoutait sur le ton de la menace : « ou la mort», ce qui en détruisait toute la signification. Jamais, à aucun pays, je ne pourrais souhaiter de grande révolution. Si la révolution du XVIIIe siècle n'a pas entraîné la ruine de la France, c'est uniquement parce qu'eut lieu Thermidor.
La révolution russe, elle, n'a pas connu de Thermidor qui ait su l'arrêter. Elle a entraîné notre peuple jusqu'au bout, jusqu'au gouffre, jusqu'à l'abîme de la perdition. Je regrette qu'il n'y ait pas ici d'orateurs qui puissent ajouter ce que l'expérience leur a appris, au fin fond de la Chine, du Cambodge, du Vietnam, nous dire quel prix ils ont payé, eux, pour la révolution. L'expérience de la Révolution française aurait dû suffire pour que nos organisateurs rationalistes du bonheur du peuple en tirent les leçons. Mais non ! En Russie, tout s'est déroulé d'une façon pire encore et à une échelle incomparable.
De nombreux procédés cruels de la Révolution française ont été docilement appliqués sur le corps de la Russie par les communistes léniniens et par les socialistes internationalistes. Seul leur degré d'organisation et leur caractère systématique ont largement dépassé ceux des jacobins. Nous n'avons pas eu de Thermidor, mais - et nous pouvons en être fiers, en notre âme et conscience - nous avons eu notre Vendée. Et même plus d'une. Ce sont les grands soulèvements paysans, en 1920¬-21. J'évoquerai seulement un épisode bien connu : ces foules de paysans, armés de bâtons et de fourches, qui ont marché sur Tanbow, au son des cloches des églises avoisinantes, pour être fauchés par des mitrailleuses. Le soulèvement de Tanbow s'est maintenu pendant onze mois, bien que les communistes, en le réprimant, aient employé des chars d'assaut, des trains blindés, des avions, aient pris en otages les familles des révoltés et aient été à deux doigts d'utiliser des gaz toxiques. Nous avons connu aussi une résistance farouche au bolchévisme chez les Cosaques de l'Oural, du Don, étouffés dans les torrents de sang. Un véritable génocide.
En inaugurant aujourd'hui le mémorial de votre héroïque Vendée, ma vue se dédouble. Je vois en pensée les monuments qui vont être érigés un jour en Russie, témoins de notre résistance russe aux déferlements de la horde communiste. Nous avons traversé ensemble avec vous le XXe siècle. De part en part un siècle de terreur, effroyable couronnement de ce progrès auquel on avait tant rêvé au XVIIIe siècle. Aujourd'hui, je le pense, les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée ».
Alexandre SOLJÉNITSYNE
III. En mémoire des enfants de sept ans et moins massacrés aux Lucs-sur-Boulogne( Vendée) par les colonnes infernales républicaines le 28 février 1794
Compte-rendu du citoyen CHAPELAIN, porte-parole des valeurs de la République, aux Lucs-sur-Boulogne, le 28 février 1794 :
"Aujourd'hui journée fatigante, mais fructueuse.
Pas de résistance.
Nous avons pu décalotter, à peu de frais, toute une nichée de calotins qui brandissaient leurs insignes du fanatisme.
Nom des enfants de sept ans et moins massacrés aux Lucs-sur-Boulogne :
Marie-Modeste AIRIAU,5 ans(a.)et 7mois (m.)
Thomas AIRIAU,10 m.
Joseph ARCHAMBAUD, 20 m
Agathe ARNAUD,4 a. et 1/2
Etienne BERIAU,15 jours
Marie-Madeleine BERIAU 2 a. et 11 m.
Jeanne BERIAU, 4 a.
Marie BERNARD, 3 a.
Céleste BOISSELEAU, 6 a.
Pierre BOISSELEAU 6 a.1/2
François 7m.Joseph 23 m ; Louis 5 a. BOSSIS
Pierre BOUET,27 m.
Louis BOURON,3 m.
Madeleine BOURON,sa cousine,3 ans
Marie 2 a.Marie-Madeleine 4 a. et 3 m. CHARUAU
Jean CHARRIER,3 a.
Marie,1 m ; Pierre DAVIAUD,5 a. et 8 m.
Jeanne,2 a. et 11 m ; Pierre, 4 a. et 10 m. DAVIAUD
Louis EPIARD, 5 a. et 10 m.
Jean-François ERCEAU,27 m.
Pierre, 27 m. N.,3 m. FETIVEAU
Jeanne FEVRE, 5 a.1/2
Suzanne FORGEAU,20 m.
Rose-Aimée,31 m ; Pierre-René FORT,5 a.et 9m.
Marie-Anne, 30 m.Jacques FOURNIER, 5 a. et 5 m.
Marie GARREAU,7 a.
Marie-Anne GAUTRET,7 a.
Pierre GEAI,25 m.
Jean, 1 an, Marie-Jeanne,4 a. et 2 m.
Pierre GIRARD, 6 a. et 4 m.
Pierre GOUIN,1 a.
Louis GRALEPOIS,13 m.
Jeanne GRALEPOIS,5 a.
Pierre GRATON,3 a. et 4 m.
Jeanne, 5 m ; Pierre GRIS, 5 a.
Lubin GUILLET, 6 a.
Marie GUITET, 4 a. 1/2
Marie HERMOUET, 5 m.
Louis HIOU, 2 a. et 11 m.
Marie-Anne JOLI, 27 m.
Marie MALARD, 4 a.
Jean, 18 m ; Marie MALIDIN, sa soeur, 3 a. et 11 m.
Jeanne MALIDIN, 3 a.Rose , sa soeur, 6 a. et 2 m.
Joseph, 23 m. Louis MANDIN, son frère, 5 a. et 9 m.
Véronique MARTIN, 1 an
Marie-Françoise, 2 a.Louise MARTIN, 5 a. et 4 m.
Rosalie,2 a. et 10 m.Louise MARTIN,5 a.et 3 m.
Rosalie MARTINEAU, 2 a. et 11 m.
Jean MIGNEN, 1 a.
Louise , 15 jours ; Louise-Marie, 15 m. ; Jean MINAU, 5 a. et 3 m.
Pierre MINAUD , 6 a. et 11 m.
Jeanne, 15 m. ; André , 4 a. et 2 m.
Véronique MINAUD, 6 a. et 8 m.
Pierre MINAUD, leur cousin, 4 a.
Louise, 33 m. ; Marie-Anne MINAUD, 6 a. et 11 m.
Anne,2 a. Céleste MORILLEAU, 6 a. et 5 m.
Jean PERROCHEAU, 5 a.et 3 m.
Pierre, 22 mois ; Jean POGU, 5 a.
Rose, 10 m.Marie PREVIT, 6 a.
Rose REMAUD, 4 a. et 11 m.
Marie REMAUD, 4 a. 1/2
Pierre, 18 m. ; Catherine RENAUD , 3 a. 1/2
Jeanne RENAUD, leur cousine, 4 a.
Marie-Anne, 4 a.Pierre RENAUD, 6 a. 1/2
Marie RICOULEAU, 22 m.
Jeanne ROBIN, 5 a.
Marie-Anne RORTAIS, 4 a.
Jeanne ROUSSEAU, 23 m. , Jean, 3 a. et 11 m. ,Louis ROUSSEAU,7 a.
Victoire ROUSSEAU, cousine, 11 m.Jeanne ROUSSEAU, sa soeur, 4 a.
Jeanne SAVARIAU, 5 a. et 10 m.
Pierre,6 m. Jean SIMONEAU, 4 a. et 10 m.
Jacques SIMONEAU, 18 m.
Joseph, SIMONEAU, cousine, 8 m.
Henri SORET, 2 ans
Jacques, 5 m.Jean SORIN son frère, 3 a. et 3 m.
Madeleine TENET, 7 a.
Louis VRIGNAUD, 23 m.
Marie-Jeanne, 3 a. Jean-BaptisteVRIGNAUD 4 a. et 5 m.
La mémoire de ces enfants-là sera-elle portée par des élèves de l'école de la République des Lumières ?"
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